EN VOILIERINTERVIEWS

Christelle Hug de Larauze, déléguée générale de la Fondation Belem

Quelle est la genèse de la Fondation Belem ?

La Fondation Belem a été suscitée et créée par les Caisses d’Epargne lors du rachat du bateau en 1979. Elles ont créé cette Fondation pour que le Belem puisse être exploité par une structure. Dans ses statuts, l’article 1 stipule l’ouverture au plus grand nombre. La priorité des Caisses d’épargne a donc été de le rendre accessible au public et de le refaire naviguer le plus vite possible. Le navire est ouvert aux stagiaires pour l’embarquement et la navigation, et à tout public lors de ses escales à quai.

Quelles sont les missions de la Fondation pour faire vivre le Belem ?

Les missions de la Fondation sont l’accueil du public, l’entretien, l’armement du Belem, la programmation des stages et des escales. Il faut écrire une histoire chaque année et faire en sorte qu’elle intéresse le public. C’est de notre responsabilité.

Comment s’élabore le programme de navigation ?

Il y a plein de critères. La première chose, c’est l’intérêt des stagiaires, ensuite on tient compte des événements programmés sur le plan national et international. Une année sur deux, on essaye d’alterner des circuits en Méditerranée et en Atlantique. C’est sur ces critères que se construisent les saisons de base.

Certaines programmations exceptionnelles conditionnent le calendrier. Exemple, le 4 juillet 1986 pour le centenaire de la statue de la liberté à New York ou encore, en 2002, l’odysée Atlantique du Belem, qui a permis de refaire revivre ses premières campagnes commerciales, pour son retour à Belem (Brésil) et sa participation au centenaire de l’éruption de la montagne pelée (Martinique), à laquelle il a réchappé. 2008, le retour à Québec pour le 400ème anniversaire de la fondation de Québec et Montréal. Ce sont des temps forts qui viennent s’intercaler dans les programmes classiques, Méditerranée-Atlantique.

En 2012, le Belem a participé au Jubilé de la Reine d’Angleterre et aux Jeux Olympiques de Londres. Le mécène Caisse d’Epargne désirait faire sens avec le Belem et voulait l’intégrer dans le mouvement olympique. En effet, la marque Caisse d’Epargne a signé un partenariat avec le CNOSF et souhaitait l’exploiter, sachant que le mécénat rentre dans sa politique. Le Belem a servi de lieu de réception et d’accueil des familles et amis des athlètes français. Quand la fondation a pris contact avec les anglais pour les Jeux Olympiques, ils ont répondu : « On vous veut aussi pour le Jubilé de la Reine ». Le Belem est allé sur les deux évènements, il s’est rendu deux fois à Londres. La première fois, le bateau était en amont de Tower Bridge, il faisait partie du décor avec les autres bateaux de la parade de la marche royale. Pour les Jeux Olympiques, le Belem a passé Tower Bridge, et sur décision du commandant Jean-Alain Morzadec, il a franchi le pont sous voile et remonté la Tamise, sous les yeux affolés des pilotes anglais qui ont eu très peur, ils l’ont pris pour un fou. Résultat, ce fut la plus belle photo de l’année, le passage du Belem sous voile sous Tower Bridge. Tout un symbole.

Est-ce que pour les prochains Jeux Olympiques, une programmation particulière est prévue ?

Nous l’envisageons. Nous avons toujours le mécénat Caisse d’Epargne, et celles-ci sont toujours sponsors du mouvement olympique.

Dans le cadre de ce partenariat, nous envisageons un retour du bateau à Rio en 2016.

L’argent est au cœur de la problématique pour faire vivre ce bateau…

L’argent c’est toute l’histoire de ce bateau. Pourquoi est–il toujours en vie ? C’est parce qu’il a eu des mécènes successifs. Au départ, c’était un navire de charge, de commerce. Il avait une vocation commerciale. A partir de l’avènement de la machine à vapeur et du moment où les bateaux de cette taille à voile n’étaient plus rentables, soit ils disparaissaient, soit ils étaient reconvertis.

Le Belem fait partie de ces bateaux qui ont eu beaucoup de chance car il a eu plusieurs vies. Il a été utilisé pour plusieurs usages et il a eu des mécènes successifs qui en ont pris soin, qui ont abouti à cette particularité, c’est qu’il est toujours en vie. Tous les autres navires de sa génération ont disparu, c’est le dernier. C’est une chance énorme de pouvoir continuer à naviguer sur ce bateau. Du coup le problème financier continue. La question s’est posée lors de la première guerre mondiale, qu’est-ce que l’on fait de ce bateau ? Un mécène se porte acquéreur du bateau, et non des moindres, le Duc de Westminster. Puis successivement, Sir Edward Guiness, qui le rachète, et fait le tour du monde, ensuite c’est au tour du comte italien Giorgio Cinni de l’acquérir. D’ailleurs, Le Belem sera à Venise en 2014 pour célébrer cet acte de mécénat.

Et puis pour finir l’acte de mécénat des Caisses d’Epargne qui poursuivent cette belle histoire. Ce qu’il faut savoir c’est que c’est cyclique. A un moment donné, il y a un mécène qui a énormément d’énergie et d’argent, qui décident de les consacrer à faire vivre le projet, mais au bout d’un certain temps tout cela s’épuise et s’amenuise et il faut recommencer. La chance du bateau aujourd’hui, c’est le mécénat de la Caisse d’Epargne qui est une structure forte et qui dure depuis plus de trente ans, avec des hommes derrière. Alors que les hommes changent, le mécénat des Caisse d’Epargne continue, c’est extraordinaire. Il faut aussi nous diversifier, parce qu’il est fragile d’avoir un seul mécène, on voudrait s’ouvrir à d’autres formes de mécénat. Que ce soit les particuliers, les grands donateurs, d’autres entreprises, pour rééquilibrer le budget et que l’on soit plus à l’aise pour réaliser les grands projets, comme le Brésil. Parce que le Belem le mérite.

Quel est le budget du Belem ?

C’est environ 3 millions d’euros. L’entretien courant c’est 400 000 euros, hors investissements particuliers, comme le changement des moteurs par exemple.

Quels sont les prochains objectifs ?

Depuis un peu moins de deux ans, la Fondation a mis en place différentes actions, a diversifié les sources de financement de la Fondation. Première chose, le bateau est entouré de gens qui l’aiment, des particuliers. Ils ont ouvert un Club des amis du Belem, ce sont des anciens stagiaires, des amoureux du Belem, des particuliers qui viennent le soutenir en faisant un don qui leur ouvre le droit à une déduction fiscale, dans le cadre des dons aux œuvres. Elle diversifie le mécénat des entreprises, avec, par exemple, la création d’un Club d’entreprises Nantaises. Ce sont des petites, des moyennes et des plus grosses entreprise qui se sont réunies et fédérées autour de la Chambre de commerce Nantes-Saint Nazaire. La Fondation les fédère, elles se reconnaissent dans ce mécénat, elles communiquent et en sont très fières, le font savoir auprès de leur clientèle. La Fondation se réunit une fois par an à bord du bateau, propose des remontées et des descentes de la Seine lors de soirées privées avec des clients, et ça marche très bien. Ce club d’entreprises n’existe qu’à Nantes et l’objectif serait d’en créer dans d’autres villes portuaires. Nous réfléchissons au renouvellement et à l’enrichissement de ce cercle et aux offres et contreparties faites aux entreprises mécènes.

Avez-vous un message à faire passer ?

On a de la chance d’avoir ce bateau, qui est classé monument historique et qui est notre fleuron national. Il est un peu la propriété de tous, on a tous une responsabilité, que ce soit les stagiaires, la Fondation et tous les gens qui s’en occupent, mais aussi les visiteurs. La responsabilité de la Fondation c’est de soutenir le projet, et de le faire vivre. Mais chacun à son niveau, un particulier, une entreprise peut aider le projet à vivre et permettre au bateau de continuer à naviguer. Le financement est indispensable pour poursuivre l’aventure. Ce qui coûte cher, c’est de le faire naviguer, de l’armer, de l’entretenir. Il a été classé monument historique en 1984, c’est le seul bateau Monument Historique, ça montre bien que bien que la France l’a reconnu. Il est de notre devoir de le préserver. Le classement aux Monuments historiques, c’est une responsabilité nationale.
Sa notoriété dépasse nos frontières, il a une aura internationale. Tous les pays qui l’ont eu sous leur pavillon, y sont très fortement attachés, que ce soit les Britanniques ou les Italiens, les gens se reconnaissent dans ce bateau.

Ce qui est frappant, c’est l’amour que les gens portent au Belem. La Fondation est soucieuse de savoir comment ça va se passer en Italie, à Venise l’an prochain pour la commémoration du mécénat de Giorgio Cini. Ce qui est sûr c’est que les 200 anciens marins du Cinni attendent avec impatience le retour du bateau à Venise, il y a une très grande émotion qui est en train de naître en Italie. Ce bateau est européen, même s’il est aujourd’hui sous pavillon français. Le Belem est l’ambassadeur de la France, il est de sa responsabilité de porter le pavillon national à l’étranger.

*Remerciements à Christelle pour sa disponibilité, sa gentillesse et son dévouement pour que le BELEM continue a naviguer.

AIDER LA FONDATION BELEM

Depuis sa création en 1980, la Fondation Belem a pour mission de conserver dans le patrimoine de la France le trois mâts Belem, dernier grand voilier français du 19ème siècle, l’un des plus anciens navires au monde toujours en navigation. Elle s’est donné pour objectif de porter témoignage de la tradition maritime française, et de faire du Belem une véritable école de la mer pour le public le plus large possible.

En faisant un don à la Fondation, vous prenez part à une véritable aventure humaine et patrimoniale ; vous permettez au Belem de continuer à naviguer, et à la Fondation de mener à bien sa mission de conservation et de valorisation de cet exceptionnel patrimoine.