A CHEVALAVENTURE

Martial Bonnac, qui vit en Suisse dans le canton de Vaud, a relevé un beau défi, en août 2013 et accompli un rêve. Il a parcouru 500 km à cheval, aller-retour, pour rallier le mariage de son frère aîné près de Lons le Saunier en France. Récit d’une magnifique aventure humaine et plus encore…

Le retour de Martial et Epi…

Michel Blanc a conseillé à Martial d’appeler le maréchal ferrant pour reclouer les fers et refaire un point avant de repartir.

Le cheval est resté seul à proximité d’une jument qui l’a dominé pendant 10 jours, ils étaient dans deux près différents, Epi n’allait pas très bien.

Un hongre (cheval castré) partageait l’espace avec la jument. Epi passait son temps à crier, il était dans le coin du parc, il les regardait, il gueulait toute la nuit, il voulait être avec eux. Il a déprimé, il ne mangeait plus, le propriétaire a conseillé de les mettre ensemble, ils se sont un peu coursés au début et puis tout est rentré dans l’ordre. Les deux mâles se faisaient dominer par la jument. Quand Martial lui rendait visite, Epi ne venait pas, il s’en moquait.

Martial est revenu en stop depuis la Suisse pour récupérer le cheval, il était fatigué, il a été déposé à 60 km de Lons le Saunier à 23 heures le soir, dans un petit village où il n’y avait rien, il a dormi dehors, à 6 degrès, il s’est réfugié dans une poubelle, il marchait pour éviter d’avoir froid, il s’était mis sur un banc de la gare mais la bise l’empêchait de dormir. Il s’est ensuite installé dans un petit hall, à 5 heures du matin, il a entendu une voix hurler dans le couloir : « Qu’est-ce que vous foutez là ? » il tremblait, il était transi de froid, « j’ai loupé mon train, j’attends le prochain », l’homme était tout désolé.

Martial n’avait plus son cheval, son rapport aux autres avait changé, il n’avait plus d’aide. Il a pris un train pour rallier Lons le Saunier. Le jour du départ, le cheval gueulait, il ne voulait pas partir, il voulait faire demi-tour. Une fois qu’ils ont eu fait 5 ou 6 km, tout est rentré dans l’ordre, le cheval savait où il allait, il le laissait même choisir son itinéraire. Certains fois Martial hésitait et se laissait guider par Epi qui retrouvait le chemin, son pas était beaucoup plus soutenu, plus assuré, il ne savait pas où il était mais il savait où il allait.

Ce voyage comme une leçon de vie

Michel Blanc a accepté de prêter son cheval à Martial, qu’il ne connaissait pas et qui de surcroît ne savait pas monter. La finalité de ce voyage pour Martial était de ramener le cheval en bonne santé, en forme et dressé.

Martial espérait secrètement que Michel puisse le remonter et retrouver la confiance malgré l’accident. Durant tout le périple, Martial expliquait à qui appartenait le cheval, ce qui s’était passé. La majorité des gens lui prédisaient que le propriétaire ne le remonterait pas, et les autres que s’il ne le remontait pas tout de suite, il ne le remonterait jamais.

Après 500 km, Epi était une crème, Martial était persuadé que ça irait, même sans selle, juste avec la longe, le cheval obéissait. Quand Martial est rentré, le propriétaire était en randonnée avec Diana, sa jument, il ne l’a pas vu arriver.

Le cheval a eu un petit souci, il avait maigri et la selle n’arrivait pas à tenir convenablement, une sangle l’avait blessé, il est repassé par le ranch de l’aller, il a laissé presque toute sa bagagerie pour soulager sa monture. Pour remonter, il se servait d’un support pour ne pas le blesser et quand il devait descendre, il sautait. Pendant 5 ou 6 jours, Epi a eu besoin de soins pour cicatriser, il avait perdu du poids mais s’était considérablement musclé.

Durant le périple, lors du débriefing avec le propriétaire, ils avaient eu l’occasion d’échanger, Michel était très content que Martial permette à Epi de vivre cette aventure, il aimait son cheval mais avait lâché prise, et s’était fait une raison. Il l’a beaucoup questionné sur son itinéraire, il hallucinait et les gens à qui il parlait de la chevauchée n’en revenait pas que Michel ait pu confier son cheval et surtout que Martial relève le défi.

Michel et Yann, son fils, des cavaliers émérites et expérimentés l’ont félicité, ils étaient rempli d’admiration parce qu’eux-mêmes n’avaient jamais tenté ce genre de chose. Cette expérience a été comme une thérapie, il veut profiter, croquer la vie, il veut tenter et vivre plein d’expériences nouvelles. C’est pour ça qu’il se lance des petits ou gros défis. Il s’est tellement investi dans son trip qu’il ne s’est pas rendu compte de ce qu’il était en train de réaliser. C’est le regard des autres qui lui a fait prendre conscience de son exploit et lui a fait prendre confiance.

Au retour, il a vécu un beau moment de partage avec le propriétaire, il l’a fait vibrer, il l’a serré fort dans ses bras, alors que Michel n’est pas d’une nature expansive. Il a compris que Martial était vraiment content et ému. A la suite de cette aventure, Michel a souvent appelé Martial pour chevaucher ensemble. Michel souhaitait que Martial continue de s’occuper d’Epi, qu’ils gardent une relation forte. Michel a été incapable de remonter Epi, il envisageait de poursuivre le dressage chez Pinson mais ne l’a jamais fait.

Il s’est surpris à dire à son fils : « c’est quand même fou, ce mec qui n’a jamais fait de cheval, me prend Epi, fait 500 km, il me le dépose, repart et moi ça fait 30 ans que je monte, et je suis juste incapable de remonter sur mon cheval. » Le traumatisme de l’accident est tenace, même ses copains savaient qu’il ne le remonterait pas Epi, et il s’en voulait. Il sait que le cheval va le ressentir.

Le périple de Martial, s’il n’a pas permis à Michel de remonter Epi, lui a fait prendre la très grande décision d’accepter de s’en séparer et de le vendre, il l’a d’abord proposé à Martial, qui pour de multiple raisons, n’a pas pu se porter acquéreur.

Cette aventure a changé la vie de Martial, il attache une grande valeur à ce qu’il a réalisé. Il s’est senti vraiment vivant, en osmose avec la nature et avec son cheval. Il a eu du mal à revenir à une vie normale. Il est resté longtemps imprégné de toutes les sensations vécues. Ca lui a donné envie de développer d’autres projets du même genre, il n’a pas été au bout de ce qu’il a envie de vivre. Retrouver les bases de la vie, revenir aux essentiels, aux vraies valeurs. Objectif manger, boire, être en mode survie, prendre soin de l’autre. Se détacher de l’argent, des contingences matérielles, se déplacer de manière écologique, utiliser un mode de locomotion respectueux de la nature, il s’est senti libre.

Fin… ?

Une de ses amies, une française installée en Suisse a été frappée par la transformation physique de Martial, elle lui a dit : « Tu as le regard d’Epi, c’est impressionnant, tu regardes tout, ton attention est décuplée, tu es complètement réceptif, c’est un véritable mimétisme avec Epi, une vraie symbiose. » L’expérience a donné envie à Florentin de voyager, de partir, c’était une aventure très stimulante pour lui. Cath, la maman de Martial a fait confiance à Michel Blanc et à Pinson, ils savaient ce qu’ils faisaient et elle sait que dans la vallée où habite Martial quand les gens disent oui, ils n’ont qu’une parole. Et elle voyait son fils plein d’enthousiasme, les yeux remplis d’étoile, elle n’a jamais eu peur. Il avait besoin de se confronter à un animal plus fort que lui, il se lançait un défi personnel, c’était une thérapie. Il voulait s’attirer la confiance d’Epi, qui était une bête imposante, impressionnante, imprévisible avec un caractère et un vécu particuliers. Elle ne s’est pas inquiétée parce qu’elle savait qu’il n’était pas très loin et qu’en cas de souci, elle pourrait l’aider.