AVENTURE

Martial Bonnac, qui vit en Suisse dans le canton de Vaud, a relevé un beau défi, en août 2013 et accompli un rêve. Il a parcouru 500 km à cheval, aller-retour, pour rallier le mariage de son frère aîné près de Lons le Saunier en France. Récit d’une magnifique aventure humaine et plus encore…

La richesse des rencontres

Le lendemain, Laëtitia l’a accompagné un bout de chemin, elle lui a indiqué l’itinéraire à emprunter. Il a ensuite rencontré un cavalier droit comme un I sur son cheval, c’était deux mondes du cheval qui se rencontraient. C’était assez cocasse, Martial lui a proposé de faire chemin commun, ils étaient un peu dépareillés, le cavalier le vouvoyait ce qui ne les as pas empêché de partager un bon moment. Il l’a conseillé pour la route, Martial souhaitait passer le col du Molandru, qui était encore assez loin. Le Jura est une chaîne de montagnes, le passage du col dessinait un petit creux, c’était un repère visuel très pratique surtout sans carte.

En quittant la montagne, Martial se confrontait à d’autres obstacles de taille, le franchissement d’autoroutes, de voies ferrées, il se renseignait auprès des personnes rencontrées pour emprunter des passages à vaches, il est passé au-dessus de l’autoroute avec le cheval, un autre univers. Une seule fois, il s’est fait vraiment peur, en empruntant une route très fréquentée,  le cheval était tendu, il gueulait, c’était une grande courbe, il était vraiment attentif, ils auraient pu avoir un accident. C’est le seul tronçon de tout son parcours qui était vraiment dangereux.

Il a eu l’idée d’installer son gilet jaune autour des pattes d’Epi pour que les automobilistes portent toute leur attention au cheval et non pas au cavalier. Pour éviter qu’ils se disent : «  Quel imbécile ce mec, qu’est-ce qu’il fait là ? » et qu’ils oublient le cheval. Cette astuce a détourné l’attention, protégé Epi et Martial, ils ont pris soin de freiner sans klaxonner et sans agressivité, ils respectaient l’animal.

Dominer l’animal

Le sens de l’orientation a ses failles de temps en temps, la fatigue aidant, Martial s’est confronté à la perte de repères. Lorsqu’ils ont abordé le col du Molandru, Martial s’est trompé de chemin dans la forêt, ils ont parcouru 4 km pour finir dans un cul de sac, ils sont repartis, mais rien à faire, Martial ne trouvait pas la bonne issue, c’est l’unique fois où il s’est trompé sans carte.

Le vent s’est mis à souffler, la nuit commençait à tomber, un homme qu’il avait rencontré juste avant, lui avait indiqué un refuge un peu plus haut où il pourrait peut-être dormir avec son cheval. Martial a été pris de panique, il y avait tellement de chemins, il craignait de ne pas trouver le bon. Il était 18 heures, ils avaient marché toute la journée. Ils finissent par trouver une pancarte indiquant le refuge malheureusement, il était fermé à clé, et là, Martial a craqué, il était à bout de force. Il est descendu du cheval parce qu’Epi n’avançait pas assez vite, il s’arrêtait, ça n’allait plus, il avait froid, il allait pleuvoir, ils étaient en pleine forêt, sans endroit pour dormir, rien à manger. ll n’y avait pas d’herbe pour le cheval, la galère, il s’est énervé, il l’a agrippé par le licol assez violemment. Ils n’avaient toujours pas trouvé d’endroit pour se loger, ils continuaient à monter. En chemin, Martial avait cueilli des chanterelles, ce qui lui redonna du baume au cœur, enfin un peu de positivité. Toujours les sens en éveil, il perçoit le bruit d’une voiture, la route est donc à proximité, et sûrement une solution proche. Il se poste au milieu de la route pour arrêter l’automobiliste, c’est une femme, Martial lui expose la situation et tout naturellement, elle lui offre le gîte et le couvert et lui assure que sa fille serait ravie d’avoir de la visite.

La chaleur de l’accueil spontané

Il arrive enfin à destination, la délivrance, la fille de l’automobiliste qui souffre d’un léger handicap, est venue à sa rencontre avec un petit tracteur pour l’accueillir. Elles possédaient deux chevaux, sa maman qui avait pris de l’avance, avait pris soin de préparer le box pour le cheval.

Martial a déchargé ses affaires, il y avait plein de monde, il arrivait en pleine réunion du comité de la fête locale, la miettée. Il a dîné en compagnie des habitants, ce qui a donné lieu à de nombreux et riches échanges, ce fut une magnifique soirée. Il avait faim, ils avaient préparé un excellent plat, il n’arrêtait pas de manger, de se resservir. Ils lui ont proposé une douche, une chambre, ça fait partie des plus belles rencontres qu’il ait faites.

En contrepartie, il a offert les fameuses chanterelles qu’il avait cueillies quelques heures auparavant et a proposé son aide pour s’occuper des vaches le lendemain. Ils avaient besoin d’aide pour les trier, pour les traiter contre la maladie du chamois, provoquée par la piqure des mouches dans les yeux des veaux, l’œil blanchit et ils deviennent aveugles.

Il a travaillé avec eux le matin. Son hôtesse a préparé les champignons pour les mettre en bocaux dans du vinaigre, pour que Martial revienne avec son fils Mathurin et qu’ils puissent les déguster tous ensemble avec une raclette. Une vraie et sincère générosité, il avait raison de faire confiance aux gens, son périple prenait tout son sens. Il a passé la journée avec eux. Au moment de repartir, il a proposé à la fille de la propriétaire de faire un bout de randonnée ensemble, ça faisait un petit moment qu’elle n’avait pas monté, elle était très heureuse de faire un peu de chemin avec Martial, et de partager ce moment avec lui. Il lui a payé un petit encas en bas de la colline, c’était juste un moment magnifique.

Ce jour-là, il était prévu que Martial retrouve sa mère, sa grand-mère, Florentin et ma mère. Mais il y a eu confusion sur le lieu de rendez-vous, les retrouvailles ont été retardées de quelques heures. Il était tellement excité de les revoir, il a continué tout seul. Il a même franchi la frontière sans s’en rendre compte.

Ils ont réussi à se retrouver pour le plus grand bonheur de tous et ont partagé le dîner ensemble, un grand moment de partage.

Il le regardait dans les yeux, il était à bout et lui a dit tout ce qu’il avait sur le cœur, que ça ne pouvait pas continuer comme ça, qu’il fallait qu’il y mette du sien, il est reparti très énervé, il avait envie de pleurer. Epi a suivi, il n’a opposé aucune résistance. Martial avait réussi à prendre le dessus, plus jamais il n’a résisté. Une fois ou deux, il a testé de nouveau les limites, Martial laissait Epi passer la tête devant lui pour qu’il accepte d’avancer et enfin il pouvait le redoubler. Il avait tout essayé sans succès, l’énervement et la domination a changé complètement leur relation. Epi avait besoin d’autorité.

Florentin, son jeune frère était particulièrement content de le retrouver, il se souvient précisément ce moment : « Quand on est arrivé, Martial était assis sur un tas de bois, comme un cow-boy. C’était beau ». Chaque fois, qu’ils passaient dans les petits villages vers midi, le bruit des fers sur le bitume interpellait les habitants qui sortaient voir ce qui se passait.

Systématiquement, il leur demandait s’il pouvait leur acheter de quoi manger, il n’y avait pas de commerce sur le chemin. Et invariablement, les gens lui donnaient ce qu’ils avaient, des morceaux de pain, du fromage, une bière. Ils venaient caresser Epi, discuter avec Martial, il en profitait pour demander sa route.

Dans sa vie, il n’a jamais rencontré autant de gens généreux, autant de belles personnes. Durant sa chevauchée, il ne s’est jamais senti seul. Ils étaient épatés de voir un voyageur aussi jeune faire ce qu’il faisait et appréciaient la démarche de Martial, à une époque où tout le monde se plaint tout le temps de la pollution. Et ils aimeraient que quelqu’un leur vienne en aide, s’ils étaient dans le besoin.

Quand Martial traversait les villages, les gens s’arrêtaient et les regardaient, le bruit des fers les faisaient sortir, les alertaient, les berçaient. Il arrivait qu’il les salue sans retour, ils ne répondaient pas, ils étaient en train de rêver.

Tous les randonneurs rencontrés l’avaient prévenu qu’il fallait des papiers spécifiques pour le passage des douanes, qu’il fallait déclarer le cheval, se présenter aux heures d’ouverture, en plein trafic. C’était très contraignant et l’obligeait à faire un détour de 70 km. Il ne s’y est pas soumis car c’était contre ses principes, il trouvait inutile d’être obligé de se présenter physiquement aux douanes, alors qu’une autorisation aurait pu suffire. Et dans la mesure où il défendait l’idée d’un voyage proche de la nature, ça ne lui semblait pas compatible. Il aurait pu être verbalisé, mais ne s’est même pas aperçu qu’il franchissait la ligne.

A son arrivée à Quintiny, lieu du mariage, Julien, son frère aîné et Emilie étaient en plein préparatifs de leur mariage, ils ont tout organisé de A à Z. Il est arrivé à l’improviste au milieu de la cour, il avait fait une très grosse étape, il était très fatigué, il a surpris tout le monde, les amis et la famille présents étaient ébahis.

Florentin, son jeune frère témoigne : « Quand Martial est arrivé, c’était la surprise totale, je me trouvais avec Julien et au détour de la maison, nous avons vu arriver Martial avec Epi. Ouah, c’était magnifique. Les personnes présentes se demandaient ce que faisait ce jeune homme avec son cheval, tout le monde l’a questionné. C’était le phénomène, l’attraction. »

En revanche, l’énergie, le feeling ne sont pas passés avec son frère et sa belle-sœur, ils n’étaient pas sur la même longueur d’onde, chacun vivant une expérience ultime. Il est arrivé quatre jours avant le mariage, il lui a fallu trouver un endroit pour Epi. Il a demandé au maire s’il était possible de trouver une calèche, mais en vain. En revanche, il lui a mis un box et un pré à disposition pour y mettre son cheval. Entre cavaliers, on se doit l’entraide. Il a pu le laisser dix jours sur place, encore une très belle rencontre.

A suivre…

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