INTERVIEWS

En janvier 2012, nous nous sommes lancés avec Khun Didi et un couple d’amis à la conquête du Kilimanjaro (5895 m), surnommé le toit de l’Afrique, en Tanzanie. C’est ainsi que nous avons fait la connaissance de Swedi, guide de haute montagne, francophone.

Swedi Musimbwa et le toit de l’Afrique

La première fois que nous l’avons vu, il nous est apparu avec un large sourire. Il revenait l’après-midi même du Kilimanjaro. Il nous a donné quelques précisions et recommandations sur l’aventure que nous nous apprêtions à vivre. Il était calme, rassurant, apaisant. Curieux et ouvert, nous avons pu lui poser toute sorte de questions, il a naturellement joué le jeu durant les sept jours de l’expédition. Il s’est révélé être un lien très précieux entre nous et le reste de l’équipe, constituée d’un autre guide, de deux cuisiniers et de treize porteurs. C’est le fruit de nos échanges, que l’on vous propose de partager.

Swedi est papa d’une petite fille, Stella. Originaire de Dar Es Salaam, la capitale économique, il s’est installé à Arusha pour le travail. Il exerce le métier de guide depuis l’âge de 21 ans. Il s’est présenté dans une agence, organisatrice de treks, fort d’un bagage en français. Celle-ci lui a demandé de commencer comme porteur, pour bien connaître le terrain. Au bout d’un an, il a suivi une formation de guide de haute montagne, dispensée par le parc national du Kilimanjaro, et en partie financée par l’agence.

Il est maintenant guide francophone indépendant de safari et de haute montagne. Lorsqu’une agence fait appel à ses services, il a la responsabilité de constituer une équipe, de recruter, les cuisiniers et porteurs. Lors de la haute saison, il enchaîne les treks de 6 ou 7 jours, et gravit le « Kili », 4 fois par mois. Autant dire que son volume de globules rouges est à son maximum durant cette période. Il n’a pas, non plus, forcément le choix, en Tanzanie comme dans la plupart des pays dans le monde, ils n’ont pas la chance d’avoir un système d’indemnisation, type chômage, quand ils ne travaillent pas. Ils doivent donc gagner le plus d’argent possible pour pallier les périodes où le rythme diminue voire s’arrête. Comme de mars à mai, durant la saison des pluies, l’activité est suspendue. Les Tanzaniens ont alors une seconde activité. Pour Swedi, elle consiste à enseigner le français à d’autres guides francophones, ça lui permet d’échanger et de confronter les expériences. Il travaille tout le temps, comme la plupart de ses compatriotes, pour subvenir aux besoins de sa famille, aider ses parents, élever son enfant, et faire vivre son foyer. Ils doivent payer les soins, les médicaments, l’école et la retraite n’existe pas. Dans ces conditions, il est difficile d’épargner, de se projeter. Combien de temps, fera-t-il encore ce métier ? Il ne sait pas répondre, il n’a pas de plan de carrière, le changement s’opérera au grès des rencontres, des opportunités.

Régulièrement, il a besoin de se rapprocher de ses parents pour se ressourcer, retrouver ses repères, se réancrer. C’est une pratique très courante chez les Tanzaniens, leurs racines sont très importantes. Les notions de plaisir, loisir, vacances ne font pas partie de leur quotidien. Ils n’ont pas besoin de se lancer des défis comme les occidentaux, de gravir une montagne, souffrir pour se réaliser. Et à la question : de quoi rêves tu, que désires tu le plus ? Il nous répond : « Gagner suffisamment d’argent pour acheter une maison, une voiture, pouvoir donner une bonne éducation à mes enfants pour qu’ils puissent avoir une vie différente, meilleure ». Ça se passe de commentaires, et c’est juste une belle leçon de vie.

Pour le contacter: musimbwas@yahoo.com