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Trail de 17 km du Prêcheur à Grand Rivière en passant par la Montagne Pelée

(dénivelé positif de 1200 mètres).

Initialement, nous devions débuter la journée par une épreuve de kayak, en faisant le chemin inverse de la veille de façon à rallier le Prêcheur. Les mauvais souvenirs de la veille avaient laissé des traces, et il faut l’avouer c’est avec soulagement que nous avons appris que le programme allait être modifié en raison de la houle qui rendait les conditions dangereuses.

D’autant que le trail qui nous attendait n’avait rien de la promenade de santé.

Christophe Assailly, le directeur technique du raid, nous avait prévenues la veille des difficultés que nous allions rencontrer. La pluie des jours précédents rendait le chemin extrêmement boueux et glissant. A tel point, qu’il lui avait fallu rajouter des cordes à certains passages très délicats. Le ton était donné.

Frédéric Gallois, le directeur sportif, a insisté sur l’esprit de cohésion et l’indispensable solidarité qui devait prévaloir au sein des équipes mais aussi entre concurrentes. Le départ se ferait groupé, les 800 premiers mètres relativement larges et carrossables permettraient aux plus rapides de se positionner, car par la suite, jusqu’au sommet il s’agissait d’un « single », tout le monde serait à la queue leu leu. Hors de question de pousser les copines dans les ronces, chacune marcherait au rythme de l’autre voire lui prêterait main forte en cas de nécessité.

L’ambiance était à son comble sur la ligne de départ, Steve n’a pas son pareil pour chauffer la foule. Tout le monde se dandinait sur les rythmes musicaux entraînants et stimulants. C’est donc complétement boostées que les concurrentes ont pris le départ. Tout le monde s’est mis à courir en ayant bien conscience qu’il faudrait attendre un moment avant de dérouler à nouveau. L’ascension s’est faite dans la bonne humeur et la bonne intelligence, nous avons compris très vite que les recommandations de Christophe et Frédéric étaient amplement justifiées. Le chemin était extrêmement étroit avec de bonnes pentes de chaque côté, puisque nous étions sur une crête.

Les intempéries avaient détrempé le sol, le rendant extrêmement boueux et glissant, les cordes n’étaient pas un luxe et l’entraide indispensable, c’était une main tendue, une autre qui pousse dans les passages délicats, c’étaient les mises en garde qui se diffusent tel un écho : « Attention à la tête, des racines sous les fougères, un trou, passez à droite ou à gauche ». Chacune y allait de sa recommandation. J’ai personnellement beaucoup aimé la montée, l’esprit était stimulant, motivant, fédérateur. Et pour une fois, malgré l’effort, nous avions un peu de temps pour profiter du paysage. La vigilance était à son comble. Les chaussures s’alourdissaient, nos semelles s’épaississaient et les crampons finissaient par disparaître et devenir complètement inefficaces.

Nous nous souviendrons longtemps du flanc de la Montagne Pelée, qui a fait sa timide, son sommet était dissimulé dans les nuages, ne nous laissant pas le loisir de l’admirer. Quand nous sommes arrivées au terme du dénivelé de 1200 mètres, d’une traite,  il faisait très frais et humide, pas très envie de s’attarder. La descente allait commencer, quelques passages relativement plats au début nous ont permis de courir, mais ce fut de courte durée. Très vite, c’est redevenu très pentu et technique. Chaque pas et appui devait être réfléchi. Le corps a été soumis à rude épreuve, l’attention et la tension étaient à leur comble. En revanche la nature était belle, verdoyante et dense.

La pluie a fait son apparition, ce qui a terminé de miner le terrain déjà difficilement pratiquable. Les cailloux, les racines succédaient à la boue. A force d’efforts, les chevilles peu tenues avec les chaussures de trail dansaient la salsa. Connaissant les limites de mon corps j’ai choisi de ralentir la cadence voulant éviter absolument la blessure. Chaque participante a pu s’essayer à l’acrobatie et à l’art de bien atterrir et de façon gracieuse, dans la mesure du possible, sur son séant. Ce fut l’occasion de belles rigolades, mais aussi de pleurs, certaines ayant embrassé une branche d’arbre, d’autres étant au bout de leur force. Pour certaines les nerfs lâchaient, mais les encouragements, les soutiens, les paroles réconfortantes les ont toutes remises debout.

Durant une bonne partie de la descente, j’ai connu la désagréable expérience d’être lâchée par mes coéquipières, j’ai passé ainsi plus d’une heure seule dans la forêt, une équipe m’a accompagnée et soutenue un bout de chemin, prenant soin de se retourner pour s’assurer que tout allait bien, geste que j’ai particulièrement apprécié. Autant vous dire que quand je suis arrivée au ravitaillement, j’ai fait quelques vocalises. Cette expérience aurait pu m’achever moralement mais la colère m’a redonné des ailes. J’ai vidé mon sac, ça m’a soulagée et les Martiniquais présents m’ont fait retrouver le sourire, avec leur recul et leur philosophie de la vie, comment ne pas se détendre quand ils vous disent avec leur accent créole chantant : « Mais pourquoi tu t’énerves, ça ne sert à rien, garde ton énergie pour la descente tu vas en avoir en besoin, il y a encore du chemin. » Quelques paroles et tout repart.

Habituée aux treks très techniques et difficiles, je fais de la sécurité une priorité, c’est la règle de base, et je n’admets aucune faille dans ce domaine. Les choses ayant été dites, notre équipe au complet est repartie dans un bon état d’esprit. Autant ce que l’on venait de faire était physique mais la suite ne s’annonçait guère plus simple. Mais j’étais dans mon élément. Les cinq ou six derniers kilomètres permettaient de courir, mais la fatigue était bien présente, au début, j’ai trouvé mon rythme ça s’est plutôt bien passé sans trop de douleur, mais au fur et à mesure les jambes s’alourdissaient, le cœur s’emballait, la distance restante semblait s’allonger à chaque pas que je parcourais.

Le plus dur a été d’entendre Steve et de ne jamais le voir, et ça a duré, duré. Les bénévoles sur le chemin nous encourageaient : « Plus que deux kilomètres, plus que cinq minutes. » Une piste qui semblait être la dernière descendait assez franchement, et là je me suis dit l’arrivée est proche et soudain je me suis retrouvée au pied d’une côte qui me semblait l’Everest. J’avoue ça m’a mis un coup au moral, en même temps, je n’avais pas le choix, tous ces efforts accomplis ne pouvaient pas être balayés par une petite défaillance. Alors j’ai puisé au plus profond de moi, j’ai accompli chaque foulée dans la douleur et au fur et à mesure que la ligne se rapprochait, une vive émotion s’emparait de moi et m’envahissait progressivement.

Marjorie et Isabelle m’ont entouré physiquement les derniers mètres et m’ont tiré vers l’arrivée. En souffrance, je n’ai pas réussi à sourire, j’ai fondu en larmes, trop d’émotions me submergeaient, mais bon sang que j’étais contente et fière d’y être arrivé. Car je dois l’avouer, c’est l’épreuve que je redoutais, mais je n’ai rien lâché, et c’est ce qui m’importait.

La suite a été très plaisante, une rivière qui coulait en contrebas nous a servi d’écrin pour une douche naturelle, l’eau était douce et tiède. Une bonne occasion pour nettoyer nos affaires boueuses, et de détendre et soulager nos muscles, notre corps et nos pieds endoloris. Un inoubliable moment de plaisir. Un excellent repas nous attendait, varié, coloré et épicé, un véritable réconfort après cette journée particulièrement éprouvante. L’attente des dernières a été l’occasion de faire de profonds étirements salvateurs, et propice à la discussion et la rencontre d’autres raideuses avec qui je n’avais pas encore eu l’opportunité de discuter. Nous étions de plus en plus unies par les épreuves et les efforts. En fin d’après-midi, nous sommes remontées dans les bus, direction le sud vers Sainte Luce, transfert de trois heures. Bercées par les virages, les conversations se sont vite estompées. L’arrivée au bivouac s’est faite sous la pluie, les filles glissaient avec leurs tongs, c’était un concours de grands écarts. De l’agacement et de la lassitude se sont exprimés, mais rien de plus normal. Ce soir-là, il n’y a pas eu de débriefing, les organisateurs ayant conscience que personne n’était vraiment disponible et chacune rêvait de rejoindre son couchage au plus vite. La journée d’épreuve nous attendait le lendemain.

 

Les résultats au terme du jour 2 :

Classement de l’épreuve (PDF)

Classement général au 2éme jour (PDF)

 

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