Les marchés aux pierres précieuses de Mogok
En nous permettant de le suivre en expédition, notre ami gemmologue, Vince, nous a ouvert les portes d’un monde unique, très éloigné de notre quotidien, que nous ne soupçonnions même pas. Il nous a offert de pénétrer dans le monde très fermé et fascinant des pierres précieuses dans l’enclave de Mogok.
Il nous explique que les gemmes comme le rubis sont, notamment en Asie, des valeurs refuges, un placement de sécurité, une richesse facile à transporter en cas de problème ou de départ précipité. Souvent les plus belles d’entre elles, ne sont pas à vendre à l’endroit de leur extraction. Les propriétaires les gardent, elles peuvent réapparaître sur les marchés internationaux tel que New York, Genève ou encore Londres. L’instabilité politique en favorise la résurgence et aide à l’enrichissement des négociants quand leurs propriétaires ont besoin de les transformer en liquidités.
Il nous immerge très vite dans ce monde si particulier. Dès le lendemain de notre arrivée, à 8h00, nous pénétrons dans une petite rue au cœur de la ville, nous plongeons très vite dans l’ambiance.
A Mogok, ce sont les femmes qui semblent mener la danse.
Elles tiennent les rênes du commerce, elles s’affairent, elles ont déjà étalé leur toile plastifiée à même le sol. Elles font des petits tas de leurs trésors comme elles l’auraient fait en Europe de leurs salades ou de leurs carottes. C’est vraiment étonnant.
Mogok est une ville qui vit totalement des pierres, de leur extraction, de leur tri, de leur taille et de leur vente. Vince nous a fait découvrir ces différentes étapes lors de notre séjour. Ca brille, les couleurs sont intenses. Nous sommes totalement néophytes. Autant dire qu’au départ, on a l’impression d’être des poules qui ont trouvé un couteau. Alors le mieux c’est de flâner, d’observer, de questionner Vince, qui n’est pas avare d’explications.
Khun Didi se régale à photographier des visages, des attitudes, Andy (autre membre du GIA, voir article) et Vince scrutent de leur regard affûté et expert les étals à la recherche de « la pierre ».
Avec Khunn Cho, guide birmane, nous entreprenons un tour scrupuleux de repérage. Nous sommes l’attraction, nous sommes les seuls occidentaux, les gens nous regardent, nous sourient.
Puis une femme nous tend une pierre, puis une deuxième, puis trois, puis quatre, très vite nous sommes cernées de sourires, de pierres, de toute sorte, de toutes les couleurs. Tout se fait paisiblement, sans agressivité, sans insistance. On en saisit une, on la positionne dans un rayon de soleil pour en scruter la transparence et la pureté, et on s’émerveille des couleurs intenses, des bleus, des rouges, des roses, des verts, des marrons-orangés. C’est juste incroyable.
Cours particuliers
Vince s’approche, nous tend une pierre et nous interroge : « Qu’est-ce que c’est ? », réponse un peu décontenancée : « Euh, et bien je ne sais pas trop ». Tour à tour, il nous explique les particularités des rubis, spinelles, topazes, quartz, pierres de lune, zircons, painites, tourmalines, autant de noms magiques, il le fera avec chaque nouvelle pierre qu’on lui présentera, il nous prodigue un vrai cours particulier, c’est passionnant mais ce qu’il l’est encore plus, c’est de le voir à l’œuvre. Je crois pouvoir dire que ses yeux brillent tout autant que les pierres. On peut y lire sa vive passion, il prend vraiment du plaisir.
Sur le marché, on peut voir des pierres en partie taillée, souvent le vendeur préfère que l’acheteur s’occupe de la taille lui-même, pour s’éviter les déconvenues d’une taille qui tourne mal.
Dès que l’on montre de l’intérêt pour une pierre en particulier, très vite l’information se propage et toutes les détentrices et détenteurs de la pierre convoitée convergent vers le client intéressé. Les petits sachets sortent de partout, les sacs à main, les petits portes-monnaies regorgent des petits trésors.
En venant à Mogok, je souhaitais trouver pour ma fille des perles pour lui faire réaliser des boucles d’oreille, mais ce n’est évidemment pas une zone à perle en revanche, j’ai découvert une pierre dont j’ignorais l’existence, la pierre de lune. Quel joli nom. C’est une pierre blanche, laiteuse. L’intérêt que cette pierre suscite chez moi est très vite détecté et comme par magie, on me présente plusieurs sachets, il y a toutes les tailles, toutes les transparences. J’en repère une, je demande le prix : « Combien pour cette pierre ? », réponse « 100 dollars », oups c’est cher, je lève la tête : « Où est Vince, il me faut l’avis-expert de Vince ». Il l’étudie et m’annonce qu’elle est de bonne facture. Très bien mais pour le prix. Il me dit : « Combien il t’en demande et combien tu veux mettre ? », je lui répond : « Il en veut 100 dollars, mais c’est trop cher », il me répond « Négocie, fais baisser, en revanche ne démarre jamais une négociation si tu n’as pas l’intention d’acheter ».
Il faut se fixer un prix personnel, que l’on ne veut pas dépasser. Et la négociation démarre, en anglais, avec les doigts, nos échanges sont rudimentaires mais compréhensibles. Je baisse volontairement le prix très bas, c’est comme un jeu qui s’instaure, il faut être patient, ne pas hésiter à être ferme sur les propositions. Si le vendeur (se) ne veut pas lâcher, ce n’est pas grave, vous lui rendez son bien, et continuez votre prospection, il ne tardera pas à revenir vers vous, en ayant revu son prix un peu à la baisse. Ce ballet peut durer plusieurs heures.
Vince est passé maître dans l’art de négocier, dans chaque pays où il se rend, il a appris les mots indispensables, et pratique l’humour avec fraîcheur et délice, faisant rire les vendeuses, ce qui ne les empêche pas d’être très dures en affaire. Vince, grand amateur de jeux de rôle, plonge avec un plaisir non dissimulé dans la négociation qui pourrait s’apparenter à un « grandeur nature ». L’observer est très instructif.
J’ai fini par trouver mon bonheur, trois jolies pierres de lune, deux petites pour des boucles d’oreille et une plus grosse pour un pendentif. Didier immortalise ce moment important, première négociation et achat d’une pierre. C’est un moment très important.
Durant la semaine de notre séjour, nous avons arpenté les différents marchés aux pierres de Mogok, avec toujours le même cérémonial, on regarde une pierre, et comme par magie plein de sachets apparaissent puis disparaissent et ainsi de suite, le tout dans une ambiance toujours très agréable, nous étions cernés de pierres et de sourires…
Quelle expérience unique.
Nous avons découvert aussi le grand marché de Mogok, qui est tout à fait particulier. Il est constitué de deux parties bien distinctes, l’atmosphère de la première est équivalente aux autres marchés, les femmes chapeautées nous encerclent à peine arrivés, jusqu’à disparaître derrière la nuée de couvre chefs en paille, à l’exception de Vince. Imaginez un grand gaillard, lui-même coiffé d’un vrai cuir, qui a connu moult expéditions, qui dépasse de deux têtes les Birmanes, au gabarit plutôt petit et fluet, et qui se délecte de la situation. On devine ses yeux espiègles et rieurs derrière ses lunettes à la forme si caractéristique, puisqu’il a poussé le sens du détail à se faire confectionner des montures et verres sur mesure en forme de losange (c’est à dire selon ses dires de cristal de saphir… Une de ses pierres favorites symbole autrefois de sagesse et de sérénité).
Les femmes sont une fois de plus aux commandes. L’autre partie est différente, il y a des tables avec des parasols, si vous vous installez en pensant que l’on va venir vous passer commande d’un thé birman, vous risquez d’être surpris. Les acheteurs s’installent et les vendeurs viennent proposer leurs pierres. C’est l’endroit où l’on peut voir de très belles pièces, les négociations vont bon train, calculettes, petite balance, liasse de billets, les parties qui se jouent autour des tables sont sérieuses, très sérieuses.
Une fois de plus, Vince nous a permis d’assister à une séance de négociation. Ce genre de scènes se déroulent dans les marchés, mais peut tout aussi bien arriver dans un bar autour d’un café ou d’un thé, les marchands viennent proposer leur marchandise, d’autant que la présence d’occidentaux ne passe pas inaperçue, car pour l’instant ils sont plutôt rares dans cette enclave.
Pour en savoir plus sur les pierres précieuses, Vincent Pardieu et/ou la Birmanie, ou si vous êtes intérréssés par la gemmologie en général, nous vous encourageons à aller visiter le site de Vincent: http://www.fieldgemology.org/
Pour tous ces moments incroyables, MERCI VINCE !! 🙂